ROMAN : Le Vice-consul

Auteur : Marguerite Duras
Editeur : Gallimard




"… ici, vous comprenez, ce n’est ni pénible ni agréable de vivre. C’est autre chose (…) ce n’est rien."
S’enfoncer dans une atmosphère comme dans une boue dense, chaude, adhésive. Tourner autour d’un monde symbolisé par des personnages souffrant d’eux-mêmes. Dans Le Vice-consul, c’est ainsi.

Dire l’Asie pauvre et pitoyable, l’Asie grouillante et sale. Marguerite Duras ouvre la porte de son livre avec un roman dans le roman. Celui de cette femme chauve, de cette mendiante folle qui berce la pauvreté de Calcutta par ses chants et le seul mot qui lui vienne : Battambang. Peter Morgan, attaché à l’ambassade de France, s’invente son histoire, l’écrit : mangée par sa folie et sa faim, après avoir été chassée de chez elle, enceinte, dix années plus tôt. Elle a marché et marché encore pour finalement s’arrêter là, à Calcutta.

Dans cette ville grillagée contre la mendicité, il y a l’autre histoire du livre. Celle des "blancs", de l’ambassadrice de France, Anne-Marie Stretter et de l’ex-Vice-consul de Lahore.

Elle, symbolise l’ennui et la douleur éprouvée par tous. Elle permet la survie de son entourage par le désir qu’elle inspire, par l’intérêt d’exister. Elle s’entoure d’amants comme autant de barrières contre cette chaleur de Calcutta, cette chaleur de la mousson qui fait mourir les idées et envies.

Lui, il est la question qu’il est trop épuisant de se poser, il est l’écho du paria, de l’inadapté au monde. A Lahore, il a tiré sur les lépreux des jardins de Shali! mar et on s’en étonne si peu…

Duras écrit le flou, écrit le rien, elle colle l’ambiance aux mots, elle induit, suggère, crée l’image plus que le sens. Elle nous donne d’autres yeux, même si elle nous laisse aussi planer dans un creux de confusion...

Parfois, on se sent un peu myopes, on se sent exclus, mais il y a l’indiscutable magie, l’étonnante naissance de moments où lire se laisse sentir et déroute, dans des moments d’une singulière poésie.

J’attendais peut-être plus du Vice-consul, mais ce que j’y ai trouvé reste cette écriture "vitale", cette écriture de survie propre à Marguerite Duras, qui, sans besoin d’être autrement qu’elle-même, sans que je me l’explique, me touche.

Chronique par Virginie



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